Moins de profs, moins de cours... et moins d'élèves dans le public ? Une éducation à refaire
PAR La
semaine passée, Nicolas Sarkozy s'interrogeait gravement devant le Parlement
européen : « Suis-je devenu socialiste ? Peut-être. »
Déchirante question, sans doute partagée par nombre de banquiers, de
financiers, d'économistes qui sortaient, il y a peu, leur revolver à la
seule évocation du nom de l'Etat et viennent brutalement de découvrir les
vertus de l'action publique et l'urgence d'une réglementation
internationale qu'ils avaient jusque-là combattue de toutes leurs forces.
Sont-ils devenus socialistes, tous ceux qui se félicitent aujourd'hui de la
revanche de Keynes sur Milton Friedman, exaltent la mémoire de Roosevelt et
du New Deal et applaudissent au retour du politique dans un ensemble aussi
touchant que celui des Petits Chanteurs à la croix de bois ? Qu'on se rassure,
les risques sont limités. Pendant que notre président s'interroge devant les
caméras, en coulisse les travaux de démolition du service public se
poursuivent hardiment. A l'Education nationale, par exemple, que la pédagogie de
la crise ne semble pas avoir touchée. Armé de sa calculette, le ministre
Xavier Darcos conduit imperturbablement le recul programmé de l'Etat dans un
secteur pourtant au cœur de ses missions. 8 500 suppressions de postes
d'enseignants en 2007, 11200 en 2008 et 13 500 prévues pour 2009. Qu'on le
veuille ou non, l'essentiel est là. Le reste est communication,
habillage médiatique d'une réalité incontournable. Celle d'un appauvrissement du
service public de l'éducation qui se traduit
déjà par un abaissement du nombre d'heures de cours - effective dans le
primaire, où l'on est passé, depuis la rentrée, de 27 à 24 heures
hebdomadaires, et en préparation au lycée, où la procédure est un peu
compliquée par le succès de la récente manifestation des enseignants et des
parents d'élèves. Moins de profs, moins de cours et bientôt moins de
maîtres spécialisés dans l'aide aux élèves en difficulté. En primaire, 3 000
d'entre eux (sur un effectif de 9 000) seront ainsi réaffectés, dès la rentrée
2009, dans des classes normales. Alors que Xavier Darcos assure vouloir «
diviser par trois » l'échec scolaire ! Que signifie ce recul de l'Etat et du
service public dans l'Education nationale ? La même chose que partout ailleurs :
le désengagement au profit du secteur privé et la sélection par
l'argent. TÉLÉRAMA
3068 29 OCTOBRE
2008
MICHEL ABESCAT